Historique   



Les origines du Service de Santé aux Armées.

 

 

            D'après la légende, l'origine du Corps de Santé Militaire remonterait à la guerre de Troie, en effet Podalyre et Machaon, fils d'Esculape y auraient déjà traité les blessés.

 

            Il faut attendre le règne du Roi Louis XIV pour voir des praticiens dotés d'un uniforme particulier et assurant le fonctionnement d’hôpitaux spécialement destinés à l'usage des troupes dont la création remonte à 1629 . Les guerres de siège du Roi Soleil nécessitèrent l'installation d'hôpitaux provisoires à proximité‚ des lieux de combats, nous trouvons là les ancêtres des ambulances de campagne plus ou moins volantes qui équiperont par la suite toutes les armées en guerre.

 

            Les hommes constituant à cette époque le corps de Santé‚ étaient de deux origines:

 

                                   - De grands personnages que le Roi chargeait de l'organisation des hôpitaux en campagne, c’étaient des praticiens célèbres qui trouvaient à la guerre un champ d'expérience pour exercer leur talent et faire de nombreuses observations, car à cette époque il n'y avait de véritable chirurgie que celle pratiquée aux armées.

 

                                   - Les héritiers des barbiers "véritables sangsues du soldat" tout juste capables d'assurer les premiers soins qui étaient eux au contact des troupes.

 

            En fait l'institution officielle du Corps de Santé‚ militaire date du 17 janvier 1708 où l'on voit l'installation de cadres permanents entretenus par L’État pour assurer le Service de Santé‚ aux Armées. Ces cadres furent les mêmes personnages qui avaient fait les campagnes précédentes.


                                                    

                                                                                                            

 

      En définitive, ce sont les règlements promulgués entre 1747 et 1780 qui donneront un caractère de plus en plus militaire aux médecins et chirurgiens employés aux Armées.

 

            Toutefois ces chirurgiens et médecins des armées ne se mêlaient que très exceptionnellement aux troupes lors d'une bataille; le plus souvent, ils assistaient les blessés dans l’hôpital se trouvant dans la ville la plus proche du lieu des opérations.

            On verra exceptionnellement une ambulance improvisée en rase campagne lors de la célèbre bataille de Fontenoy et c'est seulement au cours de la première campagne de la Guerre de Sept ans que l'on vit enfin publier l'ordonnance initiale réglementant d'une manière officielle la tenue des chirurgiens attachés aux armées. La guerre moderne venait de naître et avec elle la chirurgie de bataille. Il ne convenait plus seulement de faire accompagner les troupes par des praticiens qui exercent surtout dans les hôpitaux des places, l'assistance médicale immédiate, sur le champ même des opérations, est devenue nécessaire.

 

            En 1757, les médecins aux armées se virent à leur tour dotés d'un uniforme et c'est à cette occasion que le velours devint la distinctive des Officiers du Corps de Santé Militaire. Enfin le règlement du 1er octobre 1786 créa un uniforme pour les apothicaires les incorporant définitivement dans le Corps de Santé‚.

 

            Ainsi en 1788, à la veille de la Révolution, l'administration du Corps de Santé‚ était enfin minutieusement organisée dans tous ses détails par les différents règlements émanant du Conseil de la Guerre, les trois professions de l'art de guérir aux armées font intégralement partie du système militaire; il aura fallu attendre exactement quatre-vingt ans depuis sa création pour en arriver à un corps de Santé Militaire comportant trois éléments distincts: le service des hôpitaux, avec ses médecins, chirurgiens et pharmaciens, le service de l'armée, à l'échelon de l'état-major, avec médecin, chirurgien et pharmacien en chef, sous la direction duquel fonctionnent les ambulances du champ de bataille; à l'échelon divisionnaire enfin, les médecins attachés aux régiments, avec éventuellement plusieurs aides.

 

La désorganisation révolutionnaire.

 

            La Révolution va provoquer, avec la levée en masse et les bataillons de volontaires, le recrutement hâtif de praticiens civils, afin de pourvoir chaque bataillon d'un médecin-chirurgien et l'on fermera les yeux sur les titres de chacun d'eux: étudiants en médecine, ou "opérateurs" empiriques. Ces hommes certainement plein de bonne volonté étaient occupés à plein temps sur les champs de bataille portant secours aux nombreux blessés, les circonstances permettaient peu de s'occuper des malades si ce n'est des galeux, qui étaient isolés dans la mesure du possible.

            Durant le Directoire, l'absence de matériel et d'argent ne facilitent pas le fonctionnement d'un service à peu près inexistant, malades ou blessés sont confiés aux hôpitaux des villes dans lesquelles passent l'armée.  Bien entendu, les épidémies règnent à l'état endémique: fièvres malignes et putrides, typhus, choléra font plus de victimes que les combats.

 

Le Consulat et la réorganisation.

 

            Le Consulat va commencer par prononcer le licenciement de nombre de ces officiers de santé‚ peu compétents et qui n'étaient attachés au service que par des commissions temporaires.

 

            Six inspecteurs généraux sont nommés: Coste, Percy, Desgenettes, Heurteloup, Larrey et Parmentier (ce dernier pour la pharmacie) ils avaient pour mission de faire des cours, d'examiner les élèves, de visiter les hôpitaux et de suivre les armées.


                     

                          

 

            Percy, ex-chirurgien de l'armée du Nord, puis de l'armée de la Moselle forme des infirmiers pourvus d'un sac de matériel et de brancards pliants, Larrey, qui fut à l'armée du Rhin poursuit l’œuvre du précédent et crée un modèle de voiture légère pour le transport des blessés, obtient des chevaux pour les aides-majors et des infirmiers destinés à donner des secours dans les ambulances que l'on improvise à une lieue du champ de bataille, dans des maisons abandonnées.

 

Le Service de Santé aux Armées sous le premier Empire.

 

            L'Empereur témoignera aux uns et aux autres beaucoup d'estime, mais il fera peu pour le service de santé placé par lui au même rang que le service des vivres et celui des transports: un rouage de l'administration de l'armée, relevant par conséquent du Commissariat des guerres, ce qui, dans son esprit, est secondaire.

 

            Les officiers de santé, aussi haut placés soient-ils, dépendent de ces autorités même s'il existe un Comité Directeur qui leur est propre, représenté par une Inspection Générale du Service de Santé‚ constituée des six membres cités ci-dessus.

 

            Personnel civil réquisitionné pour la durée (indéterminée) d'une campagne, les grades sont attribués suivant la notoriété professionnelle de la personne. Si les Majors (grade supérieur) ont des compétences et de l'expérience dans le domaine médical ou chirurgical, le personnel subalterne est loin d’être à la hauteur de la qualification nécessaire pour le travail demandé.

 

            En effet, étaient affectés au service de santé, les réfractaires ou inaptes au service militaire, des étudiants de première année de faculté à l'enseignement limité, des séminaristes. De simples barbiers avant la révolution, qui de par leur profession possédaient des instruments coupants, contondants, pratiquant quelques petits actes chirurgicaux, ont profité des remous de l'époque révolutionnaire et de leurs relations pour se "payer" le titre de chirurgien.

 

            L'affectation aux armées du personnel et du matériel se présentait comme suit:

            Pour un bataillon: Deux chirurgiens ayant chacun une trousse individuelle, deux aides-majors, trois sous-aides majors. Ils avaient à leur disposition une ambulance et un fourgon attelés à quatre chevaux contenant deux matelas, six brancards en sangles démontables, une caisse de pharmacie, une caisse d'instruments de chirurgie, cinquante kilos de charpie et cent kilos de linges.


                                                                                  

 

            Par division: Un médecin, six chirurgiens (un major, un aide, quatre sous-aides), quatre employés économes, des infirmiers organisés en peloton (ou section pour la cavalerie), deux caissons d'ambulance et des voitures légères.

 

            Les ambulances: Caissons ou voitures transportant instruments de chirurgie, pansements, médicaments, matelas, couvertures, brancards, etc.

 

            Les voitures: De modèles divers, destinées au transport des blessés, ambulances légères ou véhicules de réquisition ou de prise.

Jusqu'en 1807, des entreprises s'étaient spécialisées pour le transport du service de santé.

 

            En 1805, la Grande Armée, après son séjour au camp de Boulogne, est dans une forme physique remarquable, effectuant de longues étapes sans traînards et sans déchets. Mais elle n'a pas, pour autant, été pourvue d'un service d'ambulances avant de partir en campagne, et le matériel mis au point par Larrey est affecté‚ à la Garde Impériale. Celle-ci va en bénéficier à Ulm, puis à Austerlitz où presque tous les blessés pourront être pansés sur le terrain aussitôt après la bataille. Dès le lendemain commencera leur évacuation sur Brünn, puis sur Vienne. Les blessés de la Ligne sont évidemment moins favorisés: restés sur le terrain jusqu'au lendemain de la bataille, ils doivent attendre qu'on puisse les charger sur des chariots de paysans; un grand nombre peut être déposé à Brünn, où par bonheur les couvents et hospices civils offrent de grandes ressources, ainsi que chez des habitants qui en reçoivent également. Beaucoup d'entre eux succomberont dans les semaines suivantes: le typhus, propagé par les prisonniers et les blessés russes, cause des ravages qui s'étendent dans toute la vallée du Danube.

   

                                                                                 

                                                                                                                  Camp de Boulogne 1804

 

            Les médecins régimentaires suivent les troupes, et les blessés demeurent entre les mains de praticiens du pays qui sont débordés, et n'ont d'autres aides que quelques étudiants ou gardes-malades dépourvus des connaissances les plus élémentaires, et souvent hostiles aux soldats qui gisent sur une paille rarement renouvelée.

 

            On demeure stupéfait devant la négligence voir l'inconstance apportée pour éviter la contagion à une époque où la pharmacopée est insignifiante. Les ravages causés par le voisinage des contagieux sont, durant toute cette période, infiniment supérieurs à la mortalité par blessures.

 

            Les médicaments pratiquement inexistants et mal utilisés à des posologies non adaptées, furent une denrée des plus rares.

 

            Les instruments spécifiques à la chirurgie étaient très rudimentaires et convenaient rarement aux besoins des praticiens. Il n'est pas rare de trouver dans les récits d'époque, que le matériel utilisé était composé par exemple pour Percy, d'outils de charpentier.

 

            On mutile de façon désordonnée, suivant en cela les prescriptions de Larrey: celui-ci par système, " coupe les membres toutes les fois qu'il y a fracture grave" - et il ajoute:" Les premières vingt-quatre heures sont les seules heures de calme que conserve la nature, et dont il faut se hâter de profiter: les amputations n'ont pas toutes le succès ordinaire, parce que la plupart des blessés ont été exposés aux injures du temps presque sans secours durant trente-six heures (et souvent bien d'avantage).

 

            Sans anesthésique, dans des conditions précaires (Percy opéra des blessés installés sur une simple chaise), il fallait faire vite lors d'une amputation; Larrey se voit attribuer le record de neuf secondes. Lorsque l'on sait qu'au soir de grandes batailles jusqu'à deux cents amputations (c'est le maximum connu) étaient pratiquées, la maîtrise du geste était importante. Certains aides ou simples infirmiers croyant bien faire, amputaient sans connaissances pratiques ou même théoriques avec des instruments de toutes sortes; on connaît des exemples d'amputations réalisées au couteau.

 

            Les musiciens sont employés comme auxiliaires après les grandes batailles ils aident à panser les blessés

 

            Le transport des blessés dans les hôpitaux sur les arrières était problématique. Si les chevaux étaient donnés de préférence aux trains d'artillerie, ils se faisaient rares pour le service de santé. Quand un soldat voulait aider un camarade pour l'emmener sur les arrières, puisque les brancardiers (despotats) étaient trop peu nombreux, on criait à la désertion.

 

            Braves cantinières et musiciens parcouraient ainsi les champs de batailles pour donner les premiers soins et réconforter par une rasade d'eau-de-vie.

 

            La psychologie si importante dans la guérison d'un malade était une science que les circonstances de l'époque rendaient difficile à appliquer. Imaginez le blessé qui arrivant dans un hôpital de campagne, entendait les infirmiers qui faisaient la répartition par les cris: "Les jambes à droite, les bras à gauche!" et à chacun de trouver sa "file d'attente" où il avait le temps de voir les membres coupés entassés aux portes du lieu, d'entendre les cris et gémissements des patients déjà dans l'endroit et les morts que l'on sortait pour les déposer dans une charrette quelconque.

 

            Percy avait soupçonné l'importance de ménager un patient même s'il fallait mentir alors que Larrey était contre le fait de leurrer un blessé sur son état:

 

            Ainsi un soldat avait reçu une balle dans le dos qui était ressortie par devant. Percy prit le malade en charge en lui disant qu'il avait deux blessures bien distinctes et que la guérison serait facile. Sur ce fait arriva Larrey et qui, sans prendre de précaution, prouva au blessé l'importance de son mal en lui enfilant une sonde par la plaie arrière pour la faire ressortir, à la vue du soldat, sur le devant du torse. On imagine facilement l'impact psychologique et le traumatisme pour le patient......!

 

            Larrey et Percy s'opposaient aussi sur le principe de l'amputation: Percy essayait de garder intacts les membres en nettoyant du mieux possible la plaie, en cautérisant et par l'immobilisation du membre alors que Larrey avait pour principe d'amputer systématiquement au ras de l'articulation.

 

                        Les hôpitaux de campagne étaient installés sur les arrières, dans des lieux (souvent des églises) déjà utilisés par les troupes quelques jours auparavant. Les blessés étaient déposés dans ce qui avait servi d'écurie et couchés dans la paille où avaient séjourné des chevaux sans que les lieux n'eussent été nettoyés et la paille changée; considérant qu'il n'y avait pas d'antiseptiques et encore moins d'antibiotiques, il est facile d'imaginer l'évolution tragique des plaies et blessures. Par contre, il a été constaté pendant la campagne de Russie, des cas de guérisons provenant du froid qui coagulait le sang et des microbes qui ne résistaient pas aux très basses températures.

                                                                                 

 

            Si Napoléon ne fit pas d'effort pour soutenir le service de santé en ce qui concerne les blessés, il lui attribuait le rôle de pourvoir au bien-être des troupes opérationnelles par l'inspection des lieux de bivouac et en prévenant les soldats sur la qualité de l'alimentation.

Tâches ingrates lorsque l'on sait que l'intendance ne suivait pas. On comprendra dès lors l'importance de deux éléments dont l'approvisionnement fut prioritaire: l'eau-de-vie et le tabac. Dans le premier élément, le soldat y trouvait après absorption une sensation de chaleur et une certaine façon d'oublier ce qui l'attendait au combat; le second permettait surtout dans la cavalerie, de maintenir le soldat éveillé lors de longues marches et également faisait office de coupe-faim.

 

            Il faut, ici, rendre justice à ces médecins si souvent dépourvus, et qui accomplissent obscurément des prodiges, pour soulager tant de souffrances, alors qu'eux-mêmes sont privés du nécessaire. Larrey lui-même, dont le rôle devrait se borner à coordonner les efforts, à diriger son personnel là où il est le plus nécessaire, opère sans relâche. Il se réserve les interventions les plus difficiles, mal secondé par des aides souvent maladroits parce qu’inexpérimentés, et qu'il ne connaît point. En vingt-quatre heures, il pratique jusqu'à deux cents amputations dont l'issue, pour beaucoup, serait favorable si les blessés trouvaient ensuite le repos et les subsistances convenables.

 

            Il a indiscutablement manqué au Service de Santé Impérial d'être considéré comme l'un des rouages essentiels de l'armée, celui auquel a été confié son bien le plus précieux: le soldat.

 

            Il avait à sa tête des hommes éminents et de haute valeur morale, ayant parcouru l'Europe, et leur expérience des hommes et des choses compensait en partie les insuffisances de la science de leur époque.

 

            Mais que pouvait-il entreprendre, placé sous la tutelle d'une Administration jalouse de ses attributions, et géré par un personnel dont le moins que l'on puisse dire est qu'il était dépourvu de tous préjugés, et ne songeait généralement qu'à tirer un profit personnel et scandaleux de ses fonctions......!

 

            Les sections d'infirmiers militaires, constituées très tardivement, ont aussitôt été transformées en soldats, dotés du fusil et de la giberne; dépourvus à la fois d'instruction militaire et de formation pratique, ils n'ont été ni infirmiers ni soldats.

                                                                                                  

 

            Les besoins en aides-majors étaient si nombreux que le temps manquait, comme toujours, pour en former dans les écoles. On accepta tous les étudiants qui se présentaient. Faute d'avoir les moyens pour "acheter" un remplaçant au moment de la conscription, ils trouvaient dans cet emploi une échappatoire à leur enrôlement comme combattant: ils choisissaient, en somme le moindre mal..! Mais les majors pouvaient difficilement trouver en eux les assistants qualifiés dont ils avaient besoin.
 

            Ce problème du service de santé militaire se perpétuera bien au-delà de l'époque impériale puisqu'il faudra attendre 1882 pour le voir enfin résolu, en le libérant de la double contrainte qui pesait sur lui depuis toujours: l'intendance pour son administration, le train des équipages pour ses moyens de transport; il est des erreurs qui ont la vie dure............

 

Le service de santé aux armées pendant les guerres de l’Empire.

 

            Au début de la campagne de 1805, le service des ambulances est quasi inexistant et les maréchaux s’en plaignent. Davout, dans ses lettres du 29 septembre et du 3 octobre 1805, informe l’Empereur qu’il est sans moyens pour les premiers secours à donner aux blessés. A cette époque seule la Garde possède un service d’ambulances extrêmement mobiles qui se déplacent sur les champs de bataille.

 

            Il a été constitué à Paris par Dominique Larrey et comprend treize chirurgiens, deux pharmaciens, des infirmiers à pied et à cheval, des conducteurs de voitures et deux jeunes tambours, chargés l’un de porter les instruments de chirurgie et l’autre de garder les appareils de chirurgie. En tout 17 officiers et 73 sous-officiers ou soldats animent ce service.

 

            Pourtant à  Elchingen, l’ambulance arrive trop tard et beaucoup d’amputations « n’ont pas le succès ordinaire parce que la plupart des blessés ont été exposés aux injures du temps, presque sans secours pendant trente six heures » reconnaît lui-même le chirurgien. Il est vrai que Larrey est un partisan déclaré de l’amputation et il coupe les membres toutes les fois qu’il y a fracture. « L’amputation écrit-il, doit être faite sur le champ. Les premières 24 heures sont les seules heures de calme que conserve la nature et dont il faut se hâter de profiter. »

 

 

            A Austerlitz, l’ambulance de Larrey fait merveille et tous les blessés de la Garde sont pansés et emportés par l’ambulance légère jusqu’à l’ambulance centrale. Les autres restent plus longtemps sur le champ de bataille ; le soir Napoléon qui le visite, leur fait boire de l’eau-de-vie de sa cantine qui le suit toujours en pareille occasion.

Les blessés de la Garde sont hospitalisés à Vienne, les autres à Brünn, mais bientôt une fièvre putride, la célèbre fièvre des hôpitaux se déclare dans les hôpitaux de la ville et fait périr plus du quart des blessés, causant parmi eux plus de morts que la bataille d’Austerlitz. Le typhus sévit ensuite, s’étend le long du Danube, gagne la France et fait mourir une douzaine de milliers de soldats. La gale s’abat également sur l’armée au point qu’on est obligé, dans les régiments qui rentrent en France, de faire marcher à part les galeux.

 

                                                                                                     

            Les malades de la Garde sont mieux protégés, isolés dans des établissements salubres, soignés par l’élite des médecins et des infirmiers, disposant de bon vin et de quinquina, ils guérissent rapidement

 

            Le bilan des pertes humaines n’en est pas moins lourd. Aux 2 600 morts et aux 6 000 blessés d’Austerlitz, les retards à panser les blessés, le transport dans de mauvaises carrioles, l’insalubrité des hôpitaux, l’ignorance des chirurgiens étrangers qui souvent ne parlent pas leur langue, sont responsables de la disparition de 17 000 morts foudroyés par les fièvres et les épidémies.

 

            Tirant la leçon des carences du service sanitaire à Austerlitz, l’empereur avant la guerre contre la Prusse exige une ambulance par régiment. Celle-ci comprend 54 kilos de linge à pansements, 12 kilos de charpie, 1 matelas et 1 caisse pour les amputations, sans compter un certain nombre de prothèses, jambes de bois, béquilles …….

Malheureusement ces fournitures sont transportées sur de mauvaises charrettes de paysans et seule la Garde possède une ambulance volante.

La mauvaise qualité des voitures, les obstacles de toutes sortes qui retardent les ambulances font que bien peu de celles-ci peuvent suivre l’armée. A Iéna, Percy, chirurgien de l’empereur et chirurgien de la Grande Armée, en est réduit à acheter une scie chez un quincaillier et à s’emparer du linge qu’il trouve dans les habitations. Dans la confusion, 300 blessés soignés lors de la bataille d’Iéna par des médecins de la Garde sont oubliés dans une église ; lorsqu’on les retrouve, la plupart ont succombé.

Après la campagne, 16 000 malades sont réunis dans les hôpitaux de Weimar, Leipzig, Magdebourg, Spandau et Custrin. Les galeux et les vénériens sont conduits dans celui de Posen.

 

            La campagne de Pologne de 1807, à cause des conditions climatiques et surtout des grands froids sera particulièrement meurtrière. A Eylau, le froid est si violent que les instruments tombent des mains des élèves chirurgiens qui servent Larrey. Celui-ci abat une tâche énorme. Les blessés sont si nombreux que, dans certaines ambulances, un infirmier crie à leur entrée pour tout diagnostic « A droite les bras ! à gauche les jambes ! » le 10 février, quatre jours après la bataille, Percy signale que 600 blessés n’ont pas été secourus. Pour éviter la gangrène de congélation , on leur applique des frictions de neige suivies de lotions d’eau-de-vie.

Le froid, la syphilis, les fièvres d’hôpital tuent après la campagne le double de ce qui fit périr Eylau. A Friedland, on retrouve les mêmes maux et un chirurgien opère avec un couteau de cuisine et une scie d’artisan mais bien que les batailles d’Iéna, d’Auerstaedt, de Friedland et d’Heilsberg aient été particulièrement meurtrières, le nombre des morts par le feu est égalé à celui des blessés qui succombent plus tard à leurs blessures, et les morts de maladies sont encore plus nombreux que ceux tués sur le champ de bataille ou disparus à la suite de leurs blessures. Durant cette campagne, le nombre des blessés qui meurent de leurs blessures est égal au nombre des morts par le feu, quand à celui de morts par maladies dans les hôpitaux, il est encore plus important à lui seul que les deux autres réunis.

Ainsi le soldat succombe surtout aux maladies, ensuite à ses blessures et les tués sur les champs de bataille représentent seulement le quart des pertes.

 

            Les troupes françaises pendant la guerre d’Espagne sont atteintes par des épidémies : la gale, le typhus,la dysenterie ; les conditions particulières de cette lutte la rendent très meurtrière et explique les 473 000 morts qui autrement ne pourraient se concevoir, les combats et même les guérillas ne pouvant seuls les justifier.

                                                   

            La campagne de 1809, au point de vue sanitaire est encore plus improvisée. A Essling, aucune ambulance n’est établie et la moitié des blessés succombent faute de secours. Dans l’île Lobau, les chirurgiens marquent à la craie, pour leurs aides, la place des amputations. Ce n’est que le 27, cinq jours après la bataille, les ponts étant rétablis, que les survivants pourront être évacués sur Vienne.

 

            L’insuffisance des moyens de transport, le mauvais vouloir des hommes, médecins qui préfèrent rester confortablement dans les villes de l’arrière du front, infirmiers ignares qui se sont engagés pour éviter de monter au feu, intendants prévaricateurs qui pillent les vivres et le matériel destinés aux blessés, sont les causes principales des carences du service de santé des armées ; Larrey le constate tristement. En Russie l’intendance n’a pas suivi, mais sur ces énormes distances l’aurait-elle pu, compte tenu des possibilités de l’époque ?

Il faut cependant constater que l’artillerie qui avait autant de chevaux et de convois que l’administration, parvint à acheminer jusqu’à Smolensk près de 600 canons et 3 000 voitures, alors que les services administratifs laissaient sur les routes par incurie, un énorme matériel médical qui ne servit à rien.

 

                                                           

                                                                                                        Bataille de la Moskowa 1812

 

            A la Moskova, la Grande Armée va subir la plus grande saignée de son héroïque histoire. Manque de médecins, de médicaments, d’ambulance, Larrey malgré l’aide de ses 36 chirurgiens ne peuvent suffire à penser les 6 000 blessés qui se présentent, les blessures sont épouvantables, dues à l’artillerie et aux chocs des armes à feu reçus de près dans l’attaque de la Grande Redoute, à lui seul il pratiquera plus de 200 amputations.

 

            Lors de la retraite, bien que l’ordre d’emporter les blessés ait été donné, à peine sortis de Moscou les blessés seront jetés dans les fossés. Durant la retraite, ces malheureux subirent le sort commun et le service sanitaire, à l’instar des autres, disparu dans la tourmente.

 

            L’échec des mesures qui ont pu être prises trouve son explication dans la médiocrité et l’insuffisance des chevaux et des voitures destinés à tirer les ambulances et à transporter le matériel médical, dans l’incapacité des recrues, des soldats du train, chargés de les conduire. Sans chevaux de remplacement, ni matériel de rechange, ces convois se sont trouvés vite distancés par les régiments expérimentés, par les voitures de l’artillerie. Ils se sont perdus, se sont enlisés et ont disparu à la queue des colonnes. Les chefs qui les commandaient étaient sans autorité, presque toujours sans avancement, rien n’incita ce personnel médiocre et aucunement qualifié à faire preuve d’un peu de zèle.

 

            En dehors de quelques grands praticiens, Percy, Larrey, Desgenettes, le corps médical n’est pas à la hauteur de sa tâche. Les officiers de santé sont recrutés parmi les étudiants en médecine n’ayant parfois qu’un an d’étude, donc sans grande qualité médicale, trop pauvre pour s’offrir un remplaçant et qui essaient surtout par ce biais, d’échapper aux dangers de la conscription, au fusil et au havresac. Aussi pour éviter ces inconvénients, ils restent à la traîne, s’installent en foule dans les premiers hôpitaux et n’ont qu’un désir, celui de ne pas se trouver sur le champ de bataille, là où leur absence fait le plus défaut.

 

            Ces carences matérielles et humaines, expliquent que malgré la volonté impériale, les blessures et les maladies ont occasionné dans la Grande Armée deux fois plus de morts que le feu de l’ennemi.

 

                                                                                             Avec l'aide des études de Monsieur Mir

 

 

 

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